N’est-ce plus ma voix ?
Avec Hélène Moreau et Olivier Braux
Du roman de l’Abbé Prévost aux opéras de Massenet et Puccini »
Qu’advient-il de l’opéra, naturellement polyphonique, s’il vient à croiser, un roman fameux, aussi fameux que Manon ? Nous avons choisi pour ce premier Dîner « Livres et Musiques » de la nouvelle année de relire avec vous ce grand roman et de suivre parallèlement ses multiples voix à travers deux des nombreux opéras que suscita cette terrible et admirable histoire d’amour : Manon de Massenet et Manon Lescaut de Puccini.
Roman crapuleux ou roman janséniste ? – L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut fut d’abord un grand roman. Un livre bref, étonnant, écrit en quelques mois et furtivement édité à Amsterdam en 1731 par son auteur, ruiné et en fuite, l’abbé Prévost. Certes « Le héros est un fripon et l’héroïne une catin menée à la Salpêtrière », mais le roman plaît, dès 1734. Montesquieu en convient : peu importe la bassesse, l’amour est un motif noble ; l’abjection du héros ressemble à s’y méprendre à l’héroïsme, voire à la sainteté et Manon, enfin fascinée, n’accède-telle pas, elle aussi, à la passion ? Le public courut à Manon. Sade, qui versait à la lecture des flots de larmes, y voyait notre meilleur roman.
Une fois le titre initial, L’histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut (1731), passé à Manon Lescaut, puis à Manon, et le premier rôle enfin cédé à l’héroïne, il restait à lui apporter la consécration de la scène, et enfin celle de l’opéra. Cette prise en chant du texte engendre depuis le XIXème siècle, à travers la diversité des versions, des livrets, des rôles et des interprètes un continent rempli d’échos, d’allusions, de variations en prolongement du roman.
Puisse notre fervente relecture les réveiller, les faire chanter encore en nous à travers leurs infinies modalités.